Un chêne périssait dans la vigueur de Page,
Et, frappé de maux inconnus.
Voyait son tronc chargé de rameaux sans feuillage
Que la sève n’abreuvait plus,
La mort tenait déjà sous ses mains inflexibles
La moitié de sa proie. 0 douleur! ô tourment!
De leur forêt les driades sensibles
Pleuraient le plus bel ornement.
Soudain un redoutable orage
Des monts voisins roule eu noirs tourbillons.
Et dans les bois porte un affreux ravage.
Les arbres, sous les coups des fougueux aquilons ,
Se font entre eux une guerre fatale,
L’un par l’autre brisés , déchirés, entr’ouverts.
Jamais Fleurus, Marengo, ni Pharsale,
D’aussi vastes débris n’ont vu leurs champs couverts.
Les frimats approchaient, quand on vint de la ville
Ravir à la forêt ses enfans abattus.
Nul ne doutait que le chêne débile,
En tombant, n’eût grossi le nombre des vaincus.
O surprise ! ô douce joie!
Le voilà, le voilà debout, vif et puissant,
Qui dans les airs avec grâce déploie
D’un feuillage nouveau le luxe renaissant
Bienfaisante pour lui, la sévère tempête
A détruit de son mal les principes cachés,
En soulageant sa noble tête
D’impurs rameaux par la mort desséchés.
Plein d’une gloire où le ciel s’intéresse,
Et des forêts patriarche cité ,
Il aura les honneurs d’une lente vieillesse.
Ainsi par l’adversité
Le grand homme, affranchi de l’humaine faiblesse,
Arrive plus brillant à l’immortalité.
“Le Chêne qui reverdit”