Mon ami, s’il vous plaît, un peu plus à l’écart ;
Chacun devrait toujours se tenir à sa place.
Je ne puis concevoir par quel fâcheux hasard,
Ou plutôt par quelle disgrâce,
Nous nous trouvons ensemble au même râtelier ;
Allons, retirez-vous, c’est trop vous oublier ;
Passe pour cette fois en faveur de votre âge ;
Du monde, un peu plus tard, vous saurez mieux l’usage.
Apprenez que j’ai vu le jour
Dans le haras de Pompadour ;
Le fameux Bayard est mon père ;
Alphane est le nom de ma mère.
Eh bien ! jeune étourdi, vous voyez de quel sang
Je suis issu ; vous voyez la distance
Qu’entre nous deux doit mettre la naissance !
C’est assez vous vanter, tenez, moi, je suis franc :
Il est vrai, je vous trouve assez belle apparence ;
Vous pouvez être issu des plus nobles aïeux ;
Dois-je en conclure, moi, que vous en valez mieux ?
En devenez-vous autre, en bonne conscience ?
Mon père, dites-vous, n’eut jamais son égal !
La chose n’est point surprenante :
C’était, je veux le croire, un illustre cheval ;
Mais malgré tout cela, vaniteux animal,
Peut-être n’êtes-vous qu’un pauvre rossinante.
“Le Cheval de race et le Cheval de Labour”
- Jean-Auguste Boyer-Nioche, 1788-1859