En ce monde il se faut l’un l’autre secourir.
Si ton voisin vient à mourir,
C’est sur toi que le fardeau tombe.
Un Ane accompagnait un Cheval peu courtois,
Celui-ci ne portant que son simple harnois,
Et le pauvre Baudet si chargé qu’il succombe.
Il pria le Cheval de l’aider quelque peu :
Autrement il mourrait devant qu’être à la ville.
La prière, dit-il, n’en est pas incivile :
Moitié de ce fardeau ne vous sera que jeu.
Le Cheval refusa, fit une pétarade :
Tant qu’il vit sous le faix mourir son camarade,
Et reconnut qu’il avait tort.
Du Baudet, en cette aventure,
On lui fit porter la voiture,
Et la peau
Analyses de Chamfort – 1796.
(1) Avant qu’être à la ville. « Tout le monde convient que c’est une faute d’employer avant que et un infinitif, sans mettre de entre avant que et l’infinitif». ( Wailly. )La Fontaine a imité cette tournure des poètes d’avant lui. Malherbe :
Et qu’avant d’être à la feste
De si pénible conqueste.
(Ode à Henri IV.)
(2) La prière . . . n’en est pas incivile. On diroit bien : là demande n’en est pas incivile; on ne dira point : la prière n’en est, etc. La demande porte sur l’objet: prière s’adresse à la personne.
(3) Fit une pétarrade. Un de ces gestes dédaigneux ou de ces actions insolentes que l’on sent; mais que l’on ne dit pas.
(4) On lui fit porter la voiture. Voiture est ici pour fardeau ; ce qu’il voituroit sur son dos. — La morale de cette fable en vaut mieux que le style.
Commentaires de MNS Guillon – 1803.
Cette fable très-simple n’est susceptible d’aucune remarque intéressante.