Un gros chien de berger, gardien d’un beau troupeau,
Avisant un mouton qui, sans croire mal faire,
Loin de ses compagnons paissait aux bords de l’eau,
Courut sur lui, les yeux enflammés de colère,
Et d’un choc appuyé par un fort coup de dent,
Le culbuta dans le torrent.
Mais, soit que le remords succédât à la rage,
Soit crainte d’un maître irrité,
Le voilà tout à coup qui se jette à la nage,
Pour sauver le mouton par les flots emporté.
Il l’atteint, le saisit, le soutient, l’encourage;
Et le ramenant au rivage,
« Rends-moi grâce, dit-il, car sans moi, mon très-cher,
Ce torrent furieux t’eût roulé vers la mer.
— Moi! juste ciel! que je vous remercie!
Répond la pauvre bête en secouant son dos
Et sa toison par l’onde appesantie,
Il n’est pas sûr que dans ces flots
Sans vous j’eusse perdu la vie,
Mais je sais, à n’en pas douter,
Que vous eussiez mieux fait de ne pas m’y jeter…. »
Pour un mouton, ce n’était pas trop bête.
Qui répare ses torts fait une chose honnête.
L’honneur, quand on le peut, nous en fait un devoir;
Mais il vaut mieux n’en point avoir.
“Le Chien berger et le Mouton”