André-Clément-Victorin Bressier
« Pourquoi me traiter de la sorte ?
Méchant Pataud, que t’ai-je fait ?
Si je broute en passant dans ce bois, que t’importe ?
Manger quelques brins d’herbe est-ce un si grand forfait ?
Je suis las à la fin de souffrir tes injures :
Surveillant farouche et brutal,
Tu poursuis avec des morsures
Ton camarade, ton égal ! »
C’est ainsi qu’un mouton fort doux par caractère,
Qui, dit-on, se fâchait pour la première fois,
Contre un chien de berger exhalait sa colère.
Le mâtin, rustre et peu courtois,
Lui dit : « Robin, mon camarade,
Tu parles comme un sot ; caché dans ce taillis,
Un loup, la terreur du pays,
(Tu ne l’ignores pas), se tient en embuscade.
Soustraire aux fureurs du brigand
Les traîneurs tes pareils, il n’importe comment,
C’est mon devoir et ma consigne :
Par mes soins vigilants malgré toi protégé,
Rends grâces au gardien, dont la dent t’égratigne
Pour t’empêcher d’être égorgé.
Anathème à l’ingratitude !
Ne cherchons point des torts à qui nous fait du bien ;
D’un homme bienfaisant la franchise un peu rude
Au prix du bienfait n’ôte rien.
“Le Chien de berger et le Mouton”