Un chien courageux et fidèle,
Dont l’intelligence était telle
Qu’on l’eût cru doué de raison,
Turc enfin, des chiens le modèle,
De son maître avec soin surveillait la maison ;
Mais aussi, pour payer sa peine,
On le traitait le mieux de tous les commensaux ;
Toujours son écuelle était pleine
Des meilleurs, des plus beaux morceaux.
Un chat, à l’humeur indocile,
Dans le même logis vivait avec ce chien,
Qui toutefois n’épargnait rien
Pour se le rendre plus facile.
Le moyen n’était pas nouveau,
Mais il était fort bon, s’il faut que je le dise.
Le faible de tout chat étant la gourmandise,
Il lui donnait part au gâteau ;
Je veux dire par là que ce chien débonnaire,
Au chat qu’il voulait ménager,
Laissait quelques os à ronger,
Outre sa pitance ordinaire.
Pendant longtemps tout alla bien.
Le chat, très satisfait du chien,
En tous lieux en faisait l’éloge ;
C’était son sujet d’entretien ;
Nul chien n’avait jamais tant honoré sa loge.
Mais le chat, quoiqu’on fasse, est sournois et méchant.
Un beau jour donc la bête ingrate
Au chien alonge un coup de patte,
Poussée à ce méfait par son mauvais penchant.
Oh! oh! lui dit le chien sans se mettre en colère.
De mes bontés pour toi voilà donc le salaire !
Tu me rends le mal pour le bien !
Désormais tu n’auras plus rien.
Maître chat fut dès-lors contre lui comme un diable.
A tout propos il l’attaqua,
Et, ce qu’auparavant il trouvait admirable,
Fut surtout ce qu’il critiqua.
—Bon ! je comprends, va-t-on me dire ;
De votre chat je sais le nom ;
Vous voulez désigner des journalistes ! — Non.
Car je n’aime pas à médire.
1844
“Le Chien et le Chat”
- Pierre Bergeron 1787 – 18??