Oui, je vis heureux comme un roi ;
Pour le plaisir je semble vivre ;
Je me fais moi-même la loi,
Et ma loi c’est de n’en point suivre.
En amour je suis un lutin :
Avec les belles du bocage,
Si ne m’y prenais du matin,
Au soir resterait trop d’ouvrage ;
Et d’ailleurs quelle liberté !
Le Moineau parlait de la sorte
Au petit Chien de qualité,
Que toujours sa maîtresse porte.
Mais ce bien-aimé, fier des soins,
Des attentions assidues
A prévenir tous ses besoins,
Et de cent caresses rendues,
Qu’on lui prodigue chaque jour
Pour les délices de la vie,
Voulut l’emporter à son tour.
La mienne, dit-il, est suivie
De tous les différents bonheurs,
Et même, lorsqu’on me gourmande,
Ma maîtresse, par ses rigueurs,
Me marque une amitié plus grande.
Quoi ! vous fuyez votre maman !
Vous ne m’aimez point, me dit-elle !
Je ne vous ai pas vu d’un an ;
Oh ! nous aurons tous deux querelle.
Mais à peine ai-je été grondé,
À peine chagrin j’en demeure,
Qu’aussitôt un baiser dardé
Me parcourt pendant plus d’une heure.
Le Moineau répondit : Es-tu donc assez sot
De t’attribuer sa tendresse ?
Ce n’est pas toi, pauvre idiot,
C’est son amant qu’elle caresse.
“Le Chien et le Moineau”