Un Chien tourmenté par la faim faisait la sentinelle à la porte d’une ville, il vit un morceau de pain qui, en roulant, sortait de la ville et dirigeait sa course vers les déserts. Le Chien se mit à le poursuivre, et tout en courant il s’écriait : « Ô soutien du corps, force des voyageurs, objet de mes désirs ! douce tranquillité de l’âme, de quel côté tournes-tu tes pas ; où vas-tu ? » « Dans ce désert, répondit le morceau de pain ; avec les loups et les léopards mes amis, et je me dispose à leur rendre visite. » « Tes beaux discours ne m’effraient point, répond le Chien, je te poursuivrais jusque dans la gueule du crocodile et sous la dent du lion. Je suis du nombre de ceux qui, pendant toute leur vie, ne cessent d’avoir du goût et de soupirer pour toi. Tu ferais le tour du monde, que je ne cesserais de te désirer et de te poursuivre. »
Ceux qui n’ont que le pain pour tout aliment, s’abaisseraient, pour en avoir, aux services les plus vils ; quand on les accablerait d’opprobres et de coups, semblables au chien affamé, ils n’abandonneraient point leur proie.
“Le Chien et le morceau de pain”