Jean Baptiste François Ernest Chatelain
” Maudit Chien, prends ceci, tu l’as bien mérité !
Toute la nuit faire tapage,
Au point de me brouiller avec le voisinage,
C’est trop compter sur ma bonté !
Oh ! s’il t’arrive encor de troubler notre somme,
De ce bâton, par saint Roch, je t’assomme ! ”
Celui qui tenait ce propos,
Tudesque*, je crois, d’origine,
Par amour pour la discipline,
Fort et dru du coupable époussetait le dos.
Le jour se passe. Arrive la nuit sombre :
Un larron, petit-fils de l’Ombre,
Escalade le mur, rôde dans le jardin,
Dans le cellier, dans la cuisine, enfin
Sur tout le butin fait main basse.
Le Chien, bien qu’il le vît, restait silencieux ;
Il ressentait dans sa carcasse
De la leçon du jour un reste douloureux
Qui lui disait : ” Devoir comme prudence
De ta part exigent silence.”
Mais son maître au sortir du lit
Ayant vu quelle place nette
Avait fait le larron, s’en vint, plein de dépit,
Tancer encor la pauvre bête !
” Inutile animal ! crois-tu que, sans l’espoir
De retirer de toi service,
Je te garderais à l’office ? ”
Dit-il ; ” et n’est-ce pas pour les tiens un devoir
D’aboyer aux marauds qui frondent la justice
Jusques à me voler mon vin.
Mes choux, mes marmites, mon pain ?
Oh ! sur ma vie ! aujourd’hui je te noie ! ”
Il tint parole, ardent à se venger.
Or, le lendemain sans danger
Le latro revenait dévaliser sa proie !
*Germain
“Le Chien et l’Homme”