Médor était des chiens le plus parfait modèle.
Sobre, doux et soumis, caressant et fidèle,
Il était surtout vigilant.
Aussi l’employait-on souvent
A surveiller dans la cuisine
Les deux chats du logis, dont la sournoise mine
Dénotait de rusés fripons.
Dès qu’il voyait nos deux larrons
Flairer d’un peu trop près le beurre ou le fromage,
Il courait sus et leur faisait
Au plus vite plier bagage.
Un soir que près du feu, l’œil au guet, il veillait,
Nos matous de lui s’approchèrent,
En ces termes s’interpellèrent :
— Quel est donc le motif du singulier courroux
Qui sans cesse vous porte à vous jeter sur nous ?
Voudriez-vous par un sot zèle
Complaire à notre maître, être son plat valet ?
Nous vous le déclarons tout net :
Si pareil fait se renouvelle,
Devenus pour toujours vos ennemis jurés,
Par nos griffes vous passerez.
— Votre ton menaçant ne m’intimide guère,
Leur répondit Médor, soyez-en assurés,
Et tout ce que vous pourrez faire
Jamais ne me détournera
De suivre le conseil que, dès mon plus jeune âge,
Me donna mon aïeul en ce simple langage :
Mon fils, fais ce que dois, advienne que pourra.
“Le Chien et les deux Matous”