Un chien, indigne de ce nom.
N’avait de ceux de son espèce
Ni la fidélité, ni la franche simplesse :
Il était au contraire hypocrite et larron.
Contre les loups, les renards du canton,
Comme il s’était, dans sa jeunesse,
Signalé par mainte prouesse,
A l’envi chacun le vantait.
Et cependant, ce modèle parfait
De loyauté, d’activé surveillance ,
Avec un loup du voisinage avait
Fait une secrète alliance.
Dans le parc il l’introduisait,
Et le butin que le loup pouvait faire,
Discrètement entre eux se partageait.
Un beau matin, du chien certain confrère
Ayant éventé le mystère,
L’alla dire au berger. « Vil calomniateur !
S’écria le maître en fureur,
Oses-tu bien faire passer pour traître
On courageux et loyal serviteur?
A mes yeux garde-toi de jamais reparaître. »
Ainsi le perfide mâtin,
A l’abri de la renommée
De ses premiers exploits, sut jusques à la fin
Jouir d’une gloire usurpée.
Un vieux proverbe dit très-bien :
« Quiconque a le renom de se lever matin,
Peut, s’il le veut, dormir la grasse matinée. »
“Le Chien Hypocrite”
- Théodore Lorin, 18.. – 18..