Jean-Jacques Porchat-Bressenel
Couchés sous un pommier, près de la métairie,
Le chien, le bœuf et l’âne ensemble discouraient,
Et bonnement ils s’admiraient.
Je suis, disait le bœuf, l’honneur de la prairie.
En voit-on nulle part un plus gros, un plus gras?
A peine si je puis entrer dans l’écurie.
Celui qui fit la porte à moi ne songeait pas.
Moi, reprit le baudet, avec ma mine étique,
J’ai mon mérite aussi ; je suis vraiment de fer.
Sous le poids d’un gros sac, si d’honneur je me pique,
Qui me verrait trotter me croirait chargé d’air.
Moi, pour courir le lièvre on me déclare unique;
Je suis un fier chasseur, dit à son tour le chien,
Demandez au patron : mon gourmand le sait bien!
Sur le pommier, près d’eux, était une corneille;
Elle prit la parole : Amis, je vous conseille
De moins prôner dorénavant,
Toi, bœuf, ta masse colossale,
Toi, chien, tes pieds plus légers que le vent,
Et toi, bourrique, enfin, ta vigueur sans égale.
Que vous en revient-il? Je vois là-bas celui
Qui seul en a l’honneur, seul en touche la rente.
Sans raison l’esclave se vante :
Son mérite n’est pas à lui.
“Le Chien, le Boeuf, l’Ane et la Corneille”
- Jean-Jacques Porchat-Bressenel 1800 – 1864