Denis Charles Henri Gauldrée-Boileau
Je vais encor parler du chien :
C’est un héros qu’on aime à voir en scène.
De l’homme on dit du mal sans peine,
Et de son serviteur on ne dit que du bien.
Un chien courageux et fidèle,
Flairait à cent pas un larron ;
Il aimait son maître; et son zèle
À l’abri de tout vol avait mis la maison :
On l’accablait d’éloges, de caresses.
Sous ce rapport, Argus était fort bien ;
Louer et caresser, cela ne coûte rien:
Mais il faut débourser pour les autres largesses.
Mon chien était si loin d’avoir le superflu,
Qu’il crut pendant long-temps que le pain était rare.
Jamais d’une main plus avare,
Chien de garde ne fut pourvu.
Las de jeûner, un jour Argus dit à son maître,
Dans l’amertume de son cœur ;
« Ah ! si l’on vivait d’air, quel serait mon bonheur!
» Car nulle part on ne peut être
» Mieux traité que chez vous ; cependant, pour ma faim
» L’air est viande bien creuse ; il me faut du solide.
» Dûssiez-vous me traiter d’avide,
« Battez-moi, j’y consens; mais donnez-moi du pain.
“Le Chien mal nourri”