Par une nuit tout-à-fait noire,
Un voyageur à pied traversait de grands bois.
Il n’y voyait pas clair jusqu’au bout de ses doigts ;
Mais il voulait arriver à la foire
Qui dans un village prochain
S’ouvrait, à ce que dit l’histoire ,
Dès l’aurore du lendemain.
Un gros bâton armait sa main ;
Un gros chien lui servait de page :
C’était là tout son équipage.
Il marchait sans songer à rien,
Quand, pour le malheur de son chien ,
Un loup se trouve en leur passage.
Aussitôt grand combat : le dogue était puissant,
Le loup passé maître en carnage.
L’homme au bâton, dans ce péril pressant
Voulut secourir l’innocent,
Et le gourdin dans les airs se déploie ;
Mais, attendu l’obscurité,
Trop aisément il se fourvoie ,
Et maintes fois tombe à côté.
A la fin il frappe une tête ,
Mais ce n’est pas celle du loup ;
Le bon mâtin reçoit le coup ,
Et c’est fait de la pauvre bête.
Or, j’en appelle à la sincérité
De messieurs de la faculté :
N’est-il pas vrai que dans cette aventure
On reconnaît un accident
Qui leur arrive assez souvent?
La maladie et la nature
Sont les deux agents du combat :
L’homme au bâton survient pour finir le débat ;
Mais par malheur, la nuit est bien obscure.
“Le Chien mal secouru, ou le combat de la nuit”