Jadis un chirurgien, charlatan empirique,
A mine famélique,
En ville possédait une étroite maison,
Au nord comme au midi faisant face à deux rues;
Et ce n’était pas sans raison
Qu’il se servait des deux issues :
Sans travail, sans malade, armé d’un fer tranchant.
Il sortait dans la nuit et frappait le passant;
Puis, aux cris du blessé, revenait par derrière,
Et, prenant le détour, se montrait par devant.
Et pansait le martyr tout baigné dans son sang.
A sa victime alors le docteur, comme on pense.
Promettait guérison moyennant récompense.
Par ses soins empressés tachait de la guérir;
Quand il ne le pouvait, il la laissait mourir,
Et, tout contrit d’une telle aventure,
Il s’en prenait au sort, â la nature!…
Politiques ambitieux,
Qui parcourez tant de routes contraires,
Qui frondez l’Etat et les cieux ;
Qui vous prônez pour être populaires;
Qui rêvez tous réformes salutaires;
Oui promettez tantôt des ports de mer.
Trains de plaisir, chemins de fer.
Gamelle sociale et tantôt guillotine,
Pillage, assassinat, abondance ou famine.
Guerre civile, appel à l’étranger;
Tous moyens vous sont bons pour renverser, détruire.
Tombés dans le chaos, ne pouvant reconstruire.
Oh! du mal que vous fait
fait Vous éprouvez alors un vif regret;
Mais, n’ayant plus ni force ni courage,
Votre cœur défaillant abandonne l’ouvrage.
Fort heureux si le char de l’État ne périt
Entre les mains de l’inexpérience.
Ah ! que vos songes creux tombent en discrédit.
Grands sauveurs de la France!
Laissez au temps d’octroyer les progrès :
A Dieu seul appartient d’assurer leurs succès.
“Le Chirurgien charlatan”