Don Juan Manuel était un infant de Castille, petit-fils du roi Ferdinand III. Il joua un grand rôle sous le règne d’Alfonse XI… Il est mort en 1347…
Le Conte de Lucanor, apologues et fabliaux du quatorzième siècle, traduits pour la première fois de l’espagnol, et précédés d’une notice sur la vie et les œuvres de Don Juan Manuel, ainsi que d’une dissertation sur l’instruction de l’apologue d’Orient en Occident, par M. Adolphe de Puibusque. — 1 vol. in-8° de 500 pages. Paris, Amyot, 1855.
Contes :
- Ce qui advient à un Roi avec son favori
- De ce qu’il advint à un Renard avec un Corbeau qui tenait un fromage dans son bec
- Ce qu’un Génois disait à son âme au moment de mourir
- Ce qui advient à un Homme de bien avec son fils
Don Juan Manuel était un infant de Castille, petit-fils du roi Ferdinand III. Il joua un grand rôle sous le règne d’Alfonse XI, d’abord entraîné dans les guerres civiles que suscita la minorité de ce prince, longtemps persécuté, et enfin rétabli dans ses honneurs, où il eut l’occasion de s’illustrer par ses exploits contre les Maures. Il mourut en 1347, léguant aux dominicains de Penaliel les manuscrits de plusieurs ouvrages qu’il avait composés. Le Comte Lucanor était du nombre. A la fin du seizième siècle, Argote de Molina, ayant par hasard déterré ce livre, le trouva si beau qu’il se hâta de le faire imprimer. On en connaît deux autres éditions données depuis à Madrid et à Stuttgart. Telle est, en peu de mots, la destinée du livre dont M. Ad. de Puibusque vient d’enrichir notre langue. Le Comte Lucanor, malgré le peu de retentissement qu’il a eu jusqu’à présent, même en Espagne, peut passer pour l’une des plus remarquables productions de l’ancienne littérature castillane. C’est un livre de morale pratique, conçu sur le plan du Pantcha-Tantra, et, jusqu’à un certain point, imité de ce vieux code de la sagesse indienne. Il est divisé en cinquante chapitres, qui sont autant de conversations entre le comte Lucanor , personnage imaginaire, et un confident appelé Patronio. Le comte Lucanor est un seigneur appliqué à bien faire, mais défiant de lui- même au plus haut point. Toutes les fois qu’il a un parti à prendre, il consulte Patronio, et Patronio lui répond, à la manière orientale, par un conte ou par une fable, dont il résume la morale dans un distique. Autant de chapitres, autant de paraboles, et de la le nom d’Ejemplo que le texte espagnol donne à chacun d’eux. Trente-cinq exemples peuvent être classés parmi les fabliaux , anecdotes ou légendes; quinze rentrent directement dans le genre de l’apologue. Dix de cette dernière catégorie ont une origine indienne facile à constater.
D. Juan Manuel a rencontré Ésope et Phèdre dans trois autres, mais probablement d’après des paraphrases arabes de ces fabulistes. Parmi les contes, il y en a trois qui ont la France pour théâtre, ou des Français pour acteurs. Voici leurs titres :
— « De ce qui advint au comte de Provence, et comment il fut délivré de captivité par le conseil que Saladin lui donna (n° 25).
— Du jugement que rendit un cardinal dans un procès entre le clergé elles frères mineurs de Paris (n° 31),
— Pourquoi un sénéchal de Carcassonne perdit son âme (n° 40). »
M. de Puibusque est à la fois un littérateur et un savant. Il n’ignore aucun des procédés de la critique. Son Histoire comparée des littératures espagnole et française a donné la preuve de son érudition et de son bon goût. Les mêmes qualités recommandent sa traduction du Comte Lucanor. Ce livre, d’une lecture agréable par l’élégance avec laquelle a été rendu le style simple et mâle de Don Juan Manuel, est encore une source des plus utiles renseignements pour l’histoire de l’apologue. Indépendamment d’un traité complet sur ce que l’Espagne a fourni en ce genre , on y trouve, à la suite de chaque exemple, un commentaire particulier sur les diverses formes que le même sujet a reçues dans d’autres langues. N’oublions pas de dire que M. de Puibusque, laissant de côté les éditions, toutes vicieuses et incomplètes, a pris pour base de son travail les manuscrits de Madrid : attention consciencieuse dont il a été récompensé par la découverte d’un chapitre qui avait échappé à Argote de Molina.
- “Le comte de Lucanor “