Annoncer à quelqu’un avec empressement
Ce que l’on sait devoir lui causer de la peine,
D’un dur, d’un mauvais cœur est la preuve certaine.
A mourir condamné, quoique très innocent,
Un pauvre homme attendait, fort de sa conscience,
Sur son dernier pourvoi la royale sentence.
Fidèle appui des malheureux,
L’espérance versait sur cette âme inquiète
Les bienfaisants rayons de sa flamme secrète,
Déjà par elle il croit voir s’accomplir ses vœux ;
Le prince a reconnu la fatale méprise,
L’inconcevable erreur par le jury commise.
Il lui semble soudain voir s’ouvrir sa prison,
Revoir le bleuâtre horizon,
Apercevoir de loin sa modeste chaumière,
Sa femme, ses enfants accourir à grands pas
Et sur le seuil sa vieille mère
Qui, ne pouvant marcher, en pleurant, tend les bras.
Abusé par cette chimère
Notre homme tout joyeux venait de s’endormir,
Quand le geôlier poussé par l’infâme désir
D’apprendre une triste nouvelle,
Désir qui dans les yeux, dans les traits se décèle,
Vite interrompt son somme et, sans ménagement,
Avant l’instant voulu, s’empresse de lui dire
Le fatal résultat du royal jugement ;
Ensuite lui promet, avec un affreux rire,
Que personne dans peu ne pourra l’éveiller,
Qu’alors tout à son aise il pourra sommeiller.
A cet atroce persifflage,
Le pauvre condamné sent sur tout son visage
Une froide sueur ruisseler aussitôt.
Seul, bientôt il croit voir, au milieu des ténèbres,
De sa honteuse mort les appareils funèbres.
Se dresser devant lui l’effrayant échafaud,
La foule curieuse, ondoyante, attentive,
En flots tumultueux se heurter, se presser.
A son passage lui lancer
Au front la sanglante invective.
Cette dernière nuit, hélas ! nuit qui devait
Lui donner de l’espoir la douce jouissance,
Devint, par un seul mot méchamment indiscret.
Un infernal supplice, un siècle de souffrance.
Aux malheureux jamais n’enlevons l’espérance,
Laissons-les se bercer d’un riant avenir,
Espérer c’est presque jouir.
“Le Condamné à mort et le Geôlier”