Un vieux lion, cédant au vœu de ses sujets,
Épousa, dans l’espoir d’une progéniture,
Lionne qui, bientôt, regretta ses forêts.
Vivre jeune en ermite est contre la nature :
Le trône a ses ennuis. Le roi fit de son mieux
Pour charmer les loisirs de notre souveraine.
Pour former une cour à la nouvelle reine,
Il n’eût fallu que ses beaux yeux ;
Mais son auguste époux avait trop de sagesse
Pour permettre que ses amis,
Près de son enchanteresse
Fussent, pour la distraire, à certaine heure admis.
Du reste, il faisait tout pour plaire à notre belle ;
Son bonheur était augmenté
Des plaisirs qui naissaient pour elle.
Amour fit de son antre un palais enchanté.
Si bien que la captive aima son esclavage.
Les chantres des déserts,
Vêtus, pour la plupart, d’un éclatant plumage,
Avaient pour elle des concerts
Que leur avait appris le Dieu de l’univers.
Un dogue, esprit jaloux, qui veillait à la porte,
Disait à tous venants que des chants de la sorte
Ne pouvaient que d’un âne exciter les transports :
Il avait entendu de plus nobles accords.
Quant à lui, son mérite était incontestable,
On le crut. Le monarque invita l’Apollon
A prendre, comme artiste, une place au salon :
Que pensez-vous que fit ce censeur intraitable ?
Il alla, sans souiller, se cacher sous la table.
Des réformateurs de nos lois
Combien devraient au moins se taire !
Ouvrez-leur la porte des rois,
Et les sots cesseront de braire.
“Le Concert du Lion”