Fables de l’Académie des jeux floraux
M. Florentin Ducos (1789-1873), un des quarante Mainteneurs,
Lue dans la séance particulière du 2 février 1838.
La Pie est un oiseau téméraire et bruyant ?
Elle est bavarde, elle est maligne;
Elle a toujours un trait piquant
Qui vous blesse , ou qui vous indigne
Elle immole à loisir les timides oiseaux,
Chardonnerets, Pinçons, Moineaux,
Race inoffensive et bénigne.
Puis les gros colliers ont leur tour;
Mais, quand dame Margot les pique,
Ils lui lancent parfois une bonne réplique,
Comme fit le Corbeau. Voici l’histoire :
Un jour,
L’Aigle avant rassemblé sa cour, .
Tous les oiseaux v comparurent:
Les plus gros surtout accoururent,
Depuis Le Geai jusqu’au Vautour.
Le Corbeau s’y trouvait à coté de la Pie.
— Bon ! lui dit celle-ci, je crois que te voilà
En habit de cérémonie.
— Je ne vois point de mal, répond l’autre, à cela.
Mais elle, poursuivant sa mordante ironie :
— Sans doute; seulement c’est un triste gala.
Ne peux-tu déroger à la noble coutume
D’étaler parmi nous ce lugubre costume?
Tu sembles, avec ton grand deuil,
Un ambassadeur de la Parque ;
De notre bien-aimé Monarque
On dirait que lu viens escorter le cercueil.
— C’est vrai , dit le Corbeau, très-obligeante dame,
J’ai l’habit noir, mais non pas l’âme.
Quant à vous, l’on ne sait pas bien
Si vous êtes ou noire, ou blanche :
Votre couleur n’est pas très-franche;
Vous êtes tout; vous n’êtes rien
Mon costume n’est pas un crime;
Qu’il soit sombre, c’est un malheur,
Mais apprenez ceci, ma sœur :
Pour mériter qu’on nous estime,
Il faut n’avoir qu’une couleur.
“Le Corbeau et la Pie”
Recueil de l’Académie des Jeux Floraux – 1839