Jean Condat
Poète, photographe – Fables et contes du XIX° – Le Corbeau et le Renard
Le Corbeau et le Renard balzatois
Parodie de la Fable de La Fontaine.
Fusée.
Dans n’in village,
In’ groûle volit in froumage,
Et sus in grand ourmeau s’en allit se pougé
Peur le mangé
— Cré mâtin ! serait ben demage, —
Pensit in vieux renard, —. que tieu vilain ozeau
Mangisse à l’y tout seul in si joli mourceau.
Tu le mangeras pas, va, ma vilaine bête,
Z’ou jure sûs ma tête.
Je va te dégoësér in discours ben fliateur
Qui touchera ton kieur.
De ton vilain poltrait, ferai si belle image
Que d’ton bet dans ma goul’ passera tou froumage.
Attends !
Au pied de toun’ ourmeau, tout d ‘suite je me rends :
« — Oh ! le joli piumage ? Oh ! la jolie p’tite bête !
» Serait-ou donc aneut in jour de grande fête ?
» Ohé! jo1i-t-ozeau, que fai-tu donc là-sus ?
» Ah! tès ! C’est toé courbeau ? je te couneussis pûs !
» Sandié-gârs, moun’ ami, Turluron, Turlurette !
» Quand tu fai ta toélette,
» Tu ne fai pas sembliant !
» Tu chausses toun’habit tout le pûs teurleuzant !
» Tès joli, sacredié, counV in’ petite amoure !
» Dans tout Balzat n’y a point avoure
» De pus bel ozeau que toé,
» Ma foé ! »
Après tieu beau discours, tielle imbécile groûle
De glloire se gonfflit,
S’arrondissit
Quem’ine boule
Et, ve z’ou pensé-ben, son froumage chéyit.
Le renard sautit d’sùs, l’avalit
Et dissit :
« — Hein ! Fiston ! Avour’ fai donc le crâne !
» Tu z’ou voé-ben, mon cher, tu n’es point qu’ine couâne !
» Toé qui t’ crés si malin
» Rappelle toé donc bein
» Ça que je va te dire,
» Peur qu’o t’arrive pas qu’ôqu’chouse de pûs pire :
» Quand j’t’f’rai z’in discours (Français, Latin ou Grec),
» Au lieu d’uvri la goul’, faudra sarré le bec.
» Le Courbeau, capot, dit :
« Je ne seux qu’ine bûse,
» Mais je z’ou voé trop tard ;
» Ine autre foé, d’ ta ruse
» Je me minfirai mieux, o trop flatteur renard.
» Je me rappellerai (peur ça n’y a pas de doute,
» La Fontaine n’ou dit-y pas) ?
» Que le Renard qui flatte, y fait le bon repas
» Aux dépens du Courbeau, qui, comme in sot, l’écoute.
» In’ autre cot, serai pas si nigaud :
» T’aris beau m’appeler : ami, Maître Courbeau,
» Dire que j’ seux joli, que mon plumage est beau,
» Je n’écouterai point ton parnicioux lingage,
» Et moi-même, tout seul, mangerai mon froumage. »
Le Renard entendant celà Dissit :
« Ha ! Ha !
» Je vouérons ça !
» A ton prochain larcin, tu prendras ta revanche,
» Et je te dis bonsouér.
» En attendant, morchoux, si t’as pas de mouchouér,
» Mouche-toé sûs ta manche. »
Jean Condat