Commentaires: Le Corbeau, la Gazelle, la Tortue et le Rat de MNS Guillon – 1803.
- Le Corbeau, la Gazelle, la Tortue et le Rat .
1) Je vous gardois un temple. Voiture a de même élevé en l’honneur de madame de Rambouillet, un de ces temples allégoriques , qui ne coûtent point a leurs auteurs de grands frais d’architecture. A Vous, lui dit-il:
A vous, il vous faut un temple ;
Il sera fait dans un an ;
Et j’en ai déjà le plan.
Je doute qu’il eût été aussi magnifique que l’ Ebauche confuse dessinée par La Fontaine. Le célèbre ami de La Fontaine, Montcrif, suppose que ce temple avait existé : mais il y plaçait une autre divinité :
Autrefois un Temple était;
La fête en est passée :
Chaque Amant y répétoit
Sa plus douce pensée.
Si ce Temple se trouvoit
Pour ce tant doux mystère,
Que de fois on entendroit :
« J’adore La Vallière » !
(Elite de Poés. fugitif. T. I. p. 210.)
(2) Son art de plaire et de’n’y penser pas. « Voilà un de ces vers qui font pardonner mille négligences ; un de ces vers après lesquels on n’a presque plus le courage de critiquer La Fontaine». ( Champfort. ) Ce vers délicieux a souvent été applique à son auteur.
(3) Ce que le monde adore Paient quelquefois parfumeries autels. Mademoiselle de Montpensier a remarque dans ses mémoires , que le marquis de la Fare et nombre d’autres passaient leur vie chez cette Dame, recommandable à plus d’un titre.
(4) Quoiqu’imparfaitement, etc. Quatre vers de rime masculine, de suite. Négligence.
(5) Mais quoi, l’hymme, etc-. Cette réflexion pleine de sensibilité et de philosophie ne serait pas tombée dans une âme froide. La sensibilité est le vrai foyer du talent.
6) S’alloit ébattre. Vieille expression , mais qui n’a pas perdu sa fraîcheur. Clém. Marot : A
un tel inoys qu’on doibt s’esbattre et rire.
Delà le mot prendre ses ébats. (Elég. II. Du mois de Mai, )
(7) Un Chien, maudit instrument, etc. On aime , on partage cette vertueuse indignation du poète contre les perfides arts de l’homme et ses cruels complices.
(8) La Gazelle déjà, etc. Le reproche affectueux exprimée par ce mot déjà, n’échappera, point à un lecteur délicat.
(9) Car, à l’égard du cœur, il en faut mieux juger. La véritable amitié ne s’emporte point à
des soupçons injustes; elle juge autrui d’après elle-même. La Fontaine est autant le peintre du cœur que de la nature
10) Comme eût fait un maître d’Ecole. Témoin celui de la
fable 5 du Livre IX.
11) Vole et revole. On diroit qne La Fontaine était aussi de
cette douce société , tant il a su donner à ses expressions , en les répétant, l’empreinte de l’agitation à laquelle sont livrés les trois amis.
12) Avec son marcher lent. Il ne nomme point la Tortue,
parce que c’est là une vérité désobligeante ; mais on la devine bien.
13) Pauvre Chevrette de montagne. Qu’il est gracieux ce diminutif ! Pourquoi? C’est qu’il est à la fois un sentiment et une image.
14) La voila comme eux, etc. Tout est action et mouvement.
Quel talent que celui qui met en jeu tant de ressorts , distribue sans embarras tous ses rôles de manière à les faire ressortir l’un par l’autre , et ne laisse ni vide ni langueur sur la scène !
15) J’en vais servir un autre. L’amitié , sentiment plus calme que celui de l’amour, et par-là plus durable et plus heureux. Toute cette péroraison est charmante, à commencer par ce vers :
A qui donner le prix ? Au cœur, si l’on m’en croit.
On y reconnoît la muse enchanteresse qui dicta la fable des deux Pigeons et celle des deux Amis.
Autre analyse :