Un Cygne fut atteint d’une flèche cruelle ;
Il resta sur le coup, ne pouvant faire agir
Le ressort brisé de son aile.
Le voilà prisonnier, mieux lui valait mourir ;
Il n’est sorte d’affronts qu’on ne lui fit subir.
On plaça le captif froissé de ses blessures,
Dans une sale basse-cour,
Où canards et dindons l’insultaient tour à tour,
Le poursuivaient de leurs injures.
Pas un n’en eut pitié,
Et la tendre amitié
Ne vint point consoler sa peine.
Les cœurs vils sont remplis de haine.
Le Cygne ne se plaignit pas,
Honteux d’être tombé par sa faute si bas,
A peine parfois un murmure
Témoignait qu’en lui la nature
Éprouvait d’horribles combats.
Il lui faillit longtemps souffrir cette torture,
Mais son aile brisée enfin se raffermit,
Et sa blessure se guérit,
Il sentit en lui naître une vigueur nouvelle.
Fuyant cette sotte séquelle,
Toujours en chicane, en querelle,
Notre Cygne allègre et joyeux
S’élance dans les airs, disparait dans les cieux.
“Le Cygne blessé”