Sur la corde tendue un jeune voltigeur
apprenoit à danser ; et déjà son adresse,
ses tours de force, de souplesse,
faisoient venir maint spectateur.
Sur son étroit chemin on le voit qui s’ avance,
le balancier en main, l’ air libre, le corps droit,
hardi, léger autant qu’ adroit ;
il s’ élève, descend, va, vient, plus haut s’ élance,
retombe, remonte en cadence,
et, semblable à certains oiseaux
qui rasent en volant la surface des eaux,
son pied touche, sans qu’ on le voie,
à la corde qui plie et dans l’ air le renvoie.
Notre jeune danseur, tout fier de son talent,
dit un jour : à quoi bon ce balancier pesant
qui me fatigue et m’ embarrasse ?
Si je dansois sans lui, j’ aurois bien plus de grâce,
de force et de légèreté.
Aussitôt fait que dit. Le balancier jeté,
notre étourdi chancelle, étend les bras, et tombe.
Il se cassa le nez, et tout le monde en rit.
Jeunes gens, jeunes gens, ne vous a-t-on pas dit
que sans règle et sans frein tôt ou tard on succombe ?
La vertu, la raison, les loix, l’ autorité,
dans vos désirs fougueux vous causent quelque peine ;
c’ est le balancier qui vous gêne,
mais qui fait votre sûreté.
“Le danseur de corde et le balancier”