Un dindon sur sa table ayant placé du grain,
Vit accourir tout un essaim
D’oiseaux qui près de lui sans façon s’installèrent,
Et de bon appétit mangèrent.
Je les aurais chassés ; mais lui s’en garda bien,
Se plaisant à les voir ainsi piller son bien.
« Par ma foi, je dois être un dindon respectable
Pour que ces gourmets-là se placent à ma table,
Se dit-il, car enfin, dans leurs nombreux festins
Ils n’ont jamais daigné visiter mes voisins. »
Cette réflexion modeste autant que sage,
De son bec lui ravit probablement l’usage ;
Car le pauvret n’engloutit pas
Dix grains pendant tout le repas.
Mais, certes, il n’en fut pas de même en ce qui touche
L’essaim qui prit la fuite après s’être repu
Du mieux qu’il put,
Et sans laisser de quoi régaler une mouche.
« Ingrats ! leur cria le dindon ;
Eh quoi ! vous me laissez ainsi dans l’abandon ! »
— « L’ami, lui dit un coq qui venait de l’entendre,
Si ces façons d’agir ont lieu de vous surprendre,
Les oiseaux, je le vois, vous sont bien peu connus.
C’est pour le grain qu’ils sont venus ;
Et non point pour vous rendre hommage.
Soyez donc plus modeste et vous serez plus sage. »
“Le Dindon et les petits Oiseaux”