Epilogue
Entre mon sévère censeur
Et moi, vieux faiseur d’apologue,
Permettez-moi de vous narrer, lecteur,
Et nos réflexions et notre dialogue.
A maint sujet déjà traité
Par les anciens et par le maître,
As-tu bien la témérité
De t’attacher encor ? Tu crois par-là peut-être
Aller à l’immortalité.
Tu pourrais bien te fourvoyer, me semble.
Ainsi notre censeur entame l’entretien.
As-tu du nouveau ?—Oui. —Quoi ?—Le loup et le chien.
— Le loup et le chien ! diable ! eh bien !
Voyons, lis : je lis ; ma voix tremble ;
A la première fois il ne témoigne rien,
Je tremble moins : relis, dit-il ; à la seconde,
Il se dit à part soi, quoique bas, eh mais !… bien.
Est-ce noble amour-propre ou vanité profonde ?….
Ne sais, ne sais, mais tous les biens du monde
M’eussent mille fois moins flatté.
Le premier mouvement est toujours vérité,
Telle sera l’opinion publique,
Tout auteur doit tribut au malin, au critique,
Mais il peut juger son succès
Au premier mouvement d’un lecteur, même unique.
Qu’après vous avoir lu, ce lecteur dise : Eh mais !
Revoyons !… ce qu’il lit n’est donc pas si mauvais ;
Qu’importe ensuite ce qu’il dise,
Muse ! il a dit : eh mais !… que ce mot te suffise ;
Il le fait gagner ton procès.
“Le Fabuliste et son Censeur”