Un faisan, gros et gras, bouffi comme un dindon,
Était si poltron, si poltron,
Qu’une mouche, un lézard, son ombre,
Une feuille lui faisait peur.
Dès que le jour devenait sombre,
Il était saisi de frayeur;
Il n’osait faire un pas sans son père ou sa mère;
Et s’il voyait le soleil se cacher.
Il se pressait de se coucher,
Tant il craignait de rester sans lumière.
Un jour un hanneton l’effraya tellement,
Qu’il s’en alla tout droit tomber dans un étang.
Un canard aurait su s’en tirer à la nage ;
Mais il perdit la tète et s’enfonça dedans,
Ce qui gala son beau plumage
Il y serait resté, si, du prochain village,
En revenant de classe, une troupe d’enfants
Ne fut accourue à son aide ;
Ce fut pour le guérir un excellent remède.
Il fut tant raillé, plaisante,
Tant moqué, bafoué par cette race espiègle,
Qu’il se vainquit enfin, et l’on m’a rapporté
Qu’il s’est montré depuis courageux comme un aigle.
Les poltrons sont bien malheureux ;
Pour se sauver d’un mal, ils tombe dans un pire;
Et loin que l’on ait pitié d’eux,
Leur malheur même apprête à rire.
“Le Faisan poltron”