Un jour, sous l’abri ténébreux
D’un vieux bois dont la hache exploitait le feuillage,
Brûlaient deux feux :
L’un, de rameaux durcis par les vents et par l’âge,
Devait bientôt, en gros sacs de charbons,
Aller chauffer toute la terre,
Et l’autre, de paille légère,
Était l’œuvre de vagabonds.
Tandis qu’une flamme brillante
Du sein de ce dernier s’élevait dans les airs,
Des flancs de sa masse pesante
Son compagnon lançait à peine des éclairs :
« Eh quoi ! disait le feu de paille,
Pendant qu’il dort, est-il juste qu’il faille
Tant de bois pour ce paresseux ?
Plus il reçoit, moins sa flamme opprimée
A d’essor pour percer la couche de fumée
Qui voile la clarté des cieux.
Et moi, pareil aux rayons de l’aurore,
Des plus vives lueurs je dore
Jusqu’au sommet des monts les plus ardus…»
Comme il parlait, il n’était déjà plus.
En ces deux feux qui ne retrouve
Tel qui, des mois entiers, dans le silence couve
De sublimes pensers et de mâles desseins ;
Et tel qui pour un rien s’enflamme et se travaille,
Mais dont l’ardeur, hélas ! comme le feu de paille,
S’éteint, sans rien laisser qu’un peu de cendre aux mains ?
(Le Feu de bois et le Feu de paille)