Il eut à la fin d’un jour clair et serein un feu d’artifice sur une rivière : au bruit des pétards, et à la vue de mille serpenteaux, tous les poissons grands et petits furent terriblement effrayés. Ah ! s’écrièrent-ils, tremblants de peur, le monde va finir. Que chacun de nous songe à sa conscience. Nous le méritons bien, dit un brochet pénitent : nous nous mangeons les uns les autres sans miséricorde ; malheur au plus faible : je m’en repens de toute mon âme. O Jupiter ! aie pitié de notre race r fais cesser ce feu exterminateur ; je t’en conjure, et je te promets, au nom de tous les autres, de ne plus manger ceux de mon espèce. Pendant que le poisson pénitent implorait la clémence de Jupiter, le feu cessa : la peur cessa aussi, et l’appétit revint : chacun alors ne songea qu’à déjeuner, et le brochet pénitent mangea un autre brochet.
On fait mille promesses quand on est en danger : en est-on sorti, on ne pense pas à les accomplir.
“Le feu d’artifice et le Brochet”