Garder tous ses secrets est d’un être égoïste.
L’homme a souvent besoin de répandre son cœur ;
Mais il faut en cela se montrer rigoriste
Et de ses confidents éprouver la valeur.
Voici comment s’y prit un furet pour connaître
Celui que d’un secret il pouvait rendre maître,
A tous ceux qu’il croyait être de ses amis
Parce qu’ils fréquentaient quelquefois son logis,
Il racontait un fait qu’il disait d’importance ;
Mais en ayant bien soin toujours
De varier tous ses discours,
Et d’inviter chacun au plus profond silence.
Tous connaissant ainsi des secrets différents,
Ou tout au moins des faits que tels ils pouvaient croire,
Il devenait aisé parmi les confidents,
De connaître celui qui divulguait l’histoire.
Après quatre ou cinq jours, lorsque notre furet
Établit le bilan des gardeurs de secret,
Il n’en trouva que deux pour qui tant de mystère
Ne sembla pas devoir être un fardeau trop lourd :
L’un était un poisson et l’autre un ver de terre ;
Tous deux muets, le dernier sourd.
“Le Furet et ses confidents”