C’est un disciple d’Hypocrate ;
On conclut, c’est un assassin.
Et moi, je parle ici, mais d’un peu vieille datte ;
D’un assassin, par hazard médecin.
Il guérit son sujet, sans grec et sans latin,
Et la cure fût délicate.
Vîte, au fait, monsieur le conteur ;
Eh bien, au fait : le voici cher lecteur.
Un spadassin devoit de l’argent à son hôte
Qui sans aucun délai veut avoir cet argent ;
Injure à qui n’a rien : aussi pour cette faute,
Le spadassin ne fût pas indulgent.
Le voilà d’abord l’épée haute
Qui d’un coup décisif payant son créancier,
Le frappe à côté d’une côte ;
Le croit mort, et s’enfuit : le blessé de crier,
On vient ; mais de cette avanture,
Loin de se plaindre, on vante le succès.
Le fer n’a fait que crever un abcès,
Qui se vuide par l’ouverture.
D’autre côté, l’assassin n’est pas loin,
Qu’on l’arrête et qu’on vous le traîne
Dans la prison la plus prochaine.
Le fer encor sanglant étoit un sûr témoin.
Aussi loin de nier la chose
Je ne m’en repens point ; est-il mort, ce marault,
Demande effrontement l’assassin au prevôt ?
Non, et de sa santé vous êtes même cause,
Vous l’avez guéri d’un abcès
Que le pauvre homme avoit dans la poitrine.
Donnez-moi donc, dit-il pour ce succès
Mes licences en médecine,
Non, répondit le juge au coupable effronté :
Laisse au vrai maître l’art, l’honneur de cette cure ;
Au hazard. C’est à lui qu’appartient la fourure
Du doyen de la faculté !
- Antoine Houdar (ou Houdart) de la Motte- 1672 – 1731, Le Hazard Médecin.