Chargé d’ans et d’ennuis, un malheureux hibou
Seul et désespéré se mourait dans son trou.
Il aperçoit une vieille corneille
Qui comptait plus de cent printemps :
Au dire des oiseaux, c’était à ses talents
Qu’on devait faire honneur d’une telle merveille.
« Tu possèdes, dit-il, des secrets précieux
Pour reculer le terme de la vie :
Je t’en supplie au nom des dieux,
Viens me donner tes soins; je suis à l’agonie,
Et sans aucun secours. »—« Mais ta femme et tes fils ?
Dit la corneille.» — « Hélas! s’ennuyant de mes cris.
Mes cruels fils et leur coupable mère
Depuis longtemps se sont enfuis,
Me laissant seul, mourant, en proie à la misère. »
« Mais les amis sur qui tu versas tes bienfaits?… »
« Des bienfaits, des amis!… Ma foi, je n’ai jamais
De ces fades billevesées
Un seul instant occupé mes pensées.
Répandre des bienfaits! moi ! Tu n’y songes pas :
A quoi bon faire des ingrats? »
Le moribond allait poursuivre
» Être à la fois égoïste et méchant!
Dit la corneille en s’envolant,
À ton malheureux sort sans regret je te livre :
Qui ne vit que pour soi n’est pas digne de vivre. »
“Le Hibou mourant”
- Théodore Lorin, 18.. – 18..