Joseph POISLE-DESGRANGES
Gros-Jean visitant son jardin
Aperçois du réveil-matin.
II pouvait l’extirper sans peine.
Mais qu’avait-il besoin
De se donner ce soin ?
Il compte sur l’hiver et sur sa froide haleine
Et s’en allant rentrer du foin,
Aux herbes il laisse la vie.
Deux jours après, voilà que parait une ortie.
Notre homme passe encore et la voit en chemin.
— Moi, me baisser, dit-il, pour me piquer la main ?
J’ai bien le temps de m’en défaire ;
Elle est jeune et c’est la première ;
Une ortie, après tout, peut s’arracher demain.
Or différant toujours de la même manière,
A côté de l’ortie arrive le chiendent,
Le pissenlit, la ronce, et chacun porta graine.
Gros-Jean comprit alors qu’il fut trop négligent.
Il court chercher sa bêche et le travail l’entraîne ;
II sue, enrage en labourant ;
Mais sa fatigue est inutile,
Pour cent herbes de moins qu’il ôte en les nombrant,
La pluie en fait naître dix mille.
Que de choses l’on peut changer à moins de frais,
Quand on s’y prend dès l’origine.
Il n’est plus temps alors que l’herbe a pris racine
De vouloir arrêter le mal et ses progrès.
“Le Jardinier et les mauvaises herbes”