Qu’on prise les talens et le produit des arts ,
De tant d’objets divers la savante structure ,
Le peintre ingénieux offrant à nos regards
Des tableaux variés imitant la nature !
De ce commun accord ne soyons pas surpris ,
Car où trouver jamais un plus parfait modèle ?
Sans contredire , enfin , chaque chose a son prix ;
Mais le vrai beau ne peut exister que par elle.
Un jardinier fleuriste, au retour du printemps ,
Apportait son tribut chaque jour à la ville ;
Notez ce point, que , pourvu de bon sens ,
Il y joignait l’agréable à l’utile.
De fleurs aussi le comptoir bien pourvu,
Comme un parterre en la saison nouvelle ,
Jeune modiste , au regard ingénu ,
Unissait à l’œillet la rose la plus belle ,
Le myrte et la pensée à l’humble réséda.
Surpris de ce mélange, et le cas nous l’explique ,
En nouveau Quintinie il prend son agenda ,
Et, sans plus hésiter, il entre en sa boutique ,
Où l’on voyait déjà grand nombre d’amateurs.
Riant de sa bévue, un peu confus, n’importe ?
« A mon avis, dit-il, rien n’égale les fleurs
(Belle, il faut l’avouer) que chaque jour j’apporte :
Elles flattent les yeux, mais ne les trompent pas.
Voyez ces frais boutons , celte rose vermeille ;
Par son aimable odeur et ses naissans appas ,
Elle décore, embaume ma corbeille ,
En tout bien préférable à tant d’objets trompeurs
Que l’on ne vit jamais au cortège de Flore ,
Et que jamais de ses pleurs
N’arrosa la naissante aurore. »
Toujours rose d’amour fut l’honneur du printemps ;
Pour l’imiter souvent plus d’un masque en impose!…
Parfois l’illusion trompe quelques momens ,
Mais la beauté sans fard a l’éclat de la rose.
“Le Jardinier fleuriste et la Modiste”