Certaines majestés jadis étaient fort vaines ;
Les majestés d’un jeu d’échecs ;
Les rois, plus respectés, plus puissants que les reines,
Ne les mettaient qu’au rang de leurs premiers sujets.
Les reines à leur tour voyaient au-dessous d’elles
Les chevaliers, les fous, et ceux-ci les pions.
Qui croirait que les fous ont des prétentions ?
Plus d’une cour pourrait en dire des nouvelles ;
Plus d’un sage s’est vu par un fou supplanté.
Bientôt la fin du jeu, rabattant leur fierté,
Détruisit ces vaines chimères
De puissance et de dignité :
Bientôt avec éclat un dernier coup porté
Ruina des grandeurs si chères ;
Et le même sac à la fois
Reçut reines, pions, chevaliers, fous et rois.
Contre les bornes de la vie
Qu’un grand se brise avec fracas,
Je ne lui porte point envie ;
En est-il moins que moi victime du trépas ?
Tout est mis au niveau par la Parque ennemie :
Elle frappe et ne choisit pas.
“Le jeu d’échec”