Louis Tremblay, l’Esope chrétien
— Tout frein porte avec lui
Une grande gène, sans doute ;
Mais il devient un sûr appui
Qui compense bien ce qu’il coûte…
Un élève dans l’art de Bellone et de Mars,
Ce bel art (qui n’est pas compté dans les beaux-arts)
De tuer les vivants par temps et par mesure ;
Un apprenti troupier, pour parler sans figure.
Ayant trouvé l’effet joli D’une cuirasse en fer poli
Et d’un casque avec sa dorure,
Des cuirassiers avait choisi l’armure.
Mais bientôt, sous leur poids énorme emprisonné,
Etreint dans l’étau qui l’enlace,
Il se trouvait horriblement gêné,
Et déjà maudissait le casque et la cuirasse,
Quand un beau jour vermeil et matinal
Que l’émeute grondait à tous les coins de rue,
— Non pas par ce besoin brutal
Qui fait que sur le grand le tout petit se rue,
Mais par un pur effet de progrès social, —
Notre soldat de fer fut envoyé vers elle,
C’est à dire contre une grêle
De pierres, de tessons, de balles, de cailloux,
— Et dont il esquiva les coups
Et sut se tirer à merveille
Grâce à l’étui de fer qu’il maudissait la veille.
Notre cuirassier triomphant
Eprouva donc ce que le sage observe :
Que ce qui gêne nous défend
Et nous protège et nous conserve.
Or donc si des lois d’ici-bas
La chose est vraie en bien des cas,
(Quoique ces lois souvent soient faites de ruines)
C’est toujours vrai des lois divines.
“Le jeune Cuirassier”
Celui qui ne voudrait trouver nulle part de résistance finirait par ne trouver nulle part d’appui.
(De Ségur.)