Charles Porphyre Alexandre Desains
Bonhomme, vous rêvez, quoi ! prendre un parapluie
Qui vous fatigue et vous ennuie,
Quand ce matin le temps est des plus beaux.
Voyez ces papillons, entendez les oiseaux,
Annonçant au pays un jour pur et tranquille,
Et débarrassez-vous de ce meuble inutile ;
A moins que votre but ne soit de garantir
Votre teint du soleil qui le pourrait ternir.
Ainsi parlait un jeune homme futile
A l’aspect d’un sage vieillard,
Qui, paisible porteur d’un modeste rifflard
En rêvant au passé s’éloignait de la ville,
Et livrait ses pas au hasard.
Le freluquet, si bien en veine,
S’élance gaîment dans la plaine,
Et jette encor de loin plus d’un mot goguenard.
Tout à coup, le ciel devient sombre,
Le tonnerre s’annonce en lointains grondements,
Au choc des nuages sans nombre,
Poussés par la fureur des vents,
Bientôt l’eau tombe en froids torrents
Sur ces lieux où d’un toit ne se montrait pas l’ombre.
Notre barbon assez dispos,
ºrace au meuble emporté par simple prévoyance,
Sans craindre ce déluge avec lenteur s’avance,
Quand le railleur revient, et mouillé jusqu’aux os.
Venez, dit le Vieillard d’une voix modérée,
Venez partager cet abri
Dont là-bas vous avez tant ri.
De la légèreté que vous m’avez montrée,
Je suis loin d’avoir de l’humeur ;
Je sais trop qu’à votre âge on croit à la durée
Et du beau temps et du bonheur.
Puissiez-vous conserver une si douce erreur !
Pourtant n’y comptez pas, rarement sur la terre
On trouve de beaux jours sans désenchantement ;
On se croit sûr du ciel et d’un destin prospère,
La fortune et le ciel changent rapidement.
Sur la prudence, enfant, que votre cœur s’appuie ;
Malgré le beau temps du matin,
Sachez prévoir l’orage et le mauvais destin,
Et contre tant de maux qui pleuvent sur la vie,
Ne soyez pas sans parapluie.
Charles Porphyre Alexandre Desains, (1789- 1862)