Un mâtin déjà fort, que l’on nommait Cerbère,
Et qui, comme un grand chien, déjà partout flânait,
Au logis très souvent rentrait
Criant, se plaignant à sa mère
D’avoir été battu, terrassé, culbuté.
Tantôt c’était un vieux caniche,
Qui, parce qu’il s’était approché de sa niche,
Sur lui s’était soudain jeté.
Une autre fois c’était un chien à jambes torses,
Qui, disait-il, en lâche abusant de ses forces,
L’avait, sans motif, maltraité.
Mon mâtin, toutefois, se gardait bien de dire
Que la tournure du basset,
De ses mordants propos, de son insolent rire,
Journellement était l’objet,
Et que, dès qu’au sommeil se livrait le caniche,
Pour l’insulter, lui jouer niche,
Il allait sous son nez, en tapinois, sans bruit.
De sa digestion déposer le produit.
Sa mère, qui croyait son cher fils impeccable,
Du moindre mensonge incapable,
A chaque rencontre rossait
Et le caniche et le basset.
C’était de part et d’autre une haine implacable
Qu’ardemment épousaient parents, voisins, amis.
Cependant certain jour elle voit ce cher fils
S’approcher en sournois et mordre par derrière
Un malheureux petit agneau
Qui suivait de loin le troupeau,
En bêlant, appelant sa mère,
Puis les chiens du berger accourir à grands cris,
Poursuivre et terrasser Cerbère,
Non loin du maternel logis.
— Mère, voyez, dit-il, dans quel état je suis.
J’étais tout proche du village
A regarder tranquillement
Défiler les moutons venant du pâturage,
Quand tout-à-coup sur moi d’affreux chiens s’élançant…..
— Assez, répond la mère, assez, fourbe, hypocrite,
Je connais maintenant toute votre conduite,
A vos mensonges, non, jamais,
Vous ne me prendrez désormais.
Ô vous qui, tout d’abord, en toute circonstance,
Sans le moindre examen, par trop de confiance,
A vos parents donnez raison,
Que cette Fable soit pour vous une leçon.
“Le jeune Mâtin et sa Mère”