Victor Delerue
Magistrat et fabuliste XVIIIº – Le Laboureur et le Pavot
« J’ai beau m’y prendre, hélas ! de toutes les façons,
Quand je récolte ou quand je sème,
Vous levez donc toujours, dans mes riches moissons,
De vos rouges bonnets l’épouvantable emblème. »
Ainsi parlait un laboureur.
D’une voix tremblante, indignée,
En arrachant avec fureur
De pavots dans ses champs une grosse poignée.
« Je sais, hélas ! que le froment
Pour l’homme est le premier, le plus cher aliment,
Que c’est pour lui de biens une source abondante,
Répondit, d’une voix mourante,
L’un de ces malheureux pavots ;
Mais l’oubli des cent et cent maux
Qui pèsent sur son existence,
C’est à nous que l’homme le doit,
Et par là nous pensions avoir au moins le droit
De compter, en retour, sur sa reconnaissance. »
Le Laboureur et le Pavot, Victor Delerue – 1793-1871