Léon Chabuel Oback
Poète et fabuliste contemporain – Le Lézard et le Caméléon
Lézard, depuis longtemps, fut un être maudit.
Non pas pour avoir mangé la pomme,
Tout comme le plus vieil ancêtre le fit,
Et dut récolter la même somme.
Le Créateur originel
Daigna complaire à l’homme
Et voulut sur terre le rendre éternel.
Il dépêcha le caméléon
Qui certes possédait un talent de prud’homme :
« Cours, va chez les humains et en mon nom,
Crier cette grâce :
Quiconque trépasse,
Ressuscite en cent ans rajeuni.
La mort ne sera qu’un sommeil béni.»
Au courant de ce message,
Lézard pour son gré,
Fort jaloux de l’avantage,
L’estima trop injustifié.
Le maudit s’adressa à caméléon.
« Tout doux ! Courir n’est point sage !
Tout doux, reprit l’animal félon,
Garde-toi bien
Que sous ton pas le sol ne crève !»
L’autre, plus docile qu’un bon élève
Et comme vaincu par un lien,
Réduisit au maximum son train.
Or lui, lézard, volant presque,
Prit un élan gigantesque ;
Le dépassant soudain,
Il apparut au seuil de notre sphère.
Du grand message il cria tout le contraire :
« Dieu le veut, tout homme mourra.
Puis le mort qu’on enterre,
Jamais plus ne reparaîtra ! »
Caméléon bien tard parvint,
Transmit ce que devait.
Mais ce que plutôt l’oreille retint,
Avait supplanté l’heureuse nouvelle.
Justement lézard se moquant,
Le nargua d’un œil cynique :
« Pauvre ange des messages épiques,
Tu viens trop tard pour être éloquent ! »
Quoiqu’il en soit l’espèce humaine,
Loin de s’en mordre de dépit,
Répète comme une maxime sereine :
« Seule impression première survit. »
Hélas, depuis lors,
Que l’on veuille bien me croire,
Il paraîtrait alors
Impossible d’émouvoir
Les cœurs de pierre
De notre terre.
Léon Chabuel Oback
Fables Universelles (Livre II)
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- Livre de fables de Léon Chabuel Oback
- Léon Chabuel Oback, fabuliste contemporain