Le Lièvre à la Tortue insultait: ma commère
Lui dit-il, on prétend que vous avez jadis,
A la course, sur moi remporté certain prix,
Sans alonger beaucoup votre pas ordinaire.
Qu’en dites-vous ? Vous sentez-vous d’humeur
A renouveler la gageure ?
Mais, croyez-moi, pour hâter votre allure,
Et ne pas compromettre aujourd’hui votre honneur
Laissez, pour un moment, votre toit en arrière.
Votre attirail n’est pas celui d’une courrière.
Profitez de l’avis de votre Serviteur ;
Je vous parle en ami, vous en serez plus leste.
Autre part que chez vous ne pouvez-vous gîter ?
Dans tous les environs j’ai des gîtes de reste,
En petite maison je prétends vous traiter…
Ce n’est pas comme vous, dolente casanière,
Qui dans un même trou languissez prisonnière.
Mais cette nuit pourtant il vous faut découcher.
Haut le pied : à ton toit tâche de t’arracher,
Dégourdis-toi, vieille sorcière.
La Tortue alongeant le cou,
Repartit : Vous raillez, voltigeur, mon compère.
Si je ne quitte pas mon trou,
Aussi ne m’ y trouble-t-on guère.
Bien différent de moi, vous avez cent maisons ?
Pour déloger souvent vous avez vos raisons,
Que je crois toutes assez bonnes…
Compère, mon ami, ton sommeil n’est pas pur.
Dans tous tes gîtes tu frissonnes ;
Je n’ en ai qu’un, mais il est sûr.
“Le Lièvre et la Tortue par Boisard”