Pour un lièvre léger une lourde tortue
Avait une tendre amitié.
Ce sentiment vous fait pitié.
Pourquoi ? L’on fait souvent une plus grosse bévue.
Si vous en doutez, quelque jour,
Moi, je vous prouverai que, chez L’humaine race,
L’amitié, l’estime et l’amour
Ne sont pas toujours à leur place.
Étrange ou non , la tendresse existait.
Mais à ce pauvre lièvre on donnait trop la chasse :
Tout en passant, un chien l’épouvantait,
Puis un renard… Le lièvre détalait ;
Haletant, la tortue emportait sa besace,
De son ami suivant la trace,
Et courait après lui, comme elle peut courir.
Au rendez-vous, chance malencontreuse !
Elle en eut tant, la pauvre malheureuse,
Qu’à la peine il fallut mourir.
Choisissons nos amis avec poids et mesure :
On ne peut vivre seul, s’associer est bon ;
Mais ne prenons pour compagnon
Que celui qui va notre allure.
“Le Lièvre et la Tortue”
Antoine-Pierre Dutremblay – 1745 – 1819