Pris vivant, certain lièvre, au sein de l’abondance,
Sans peine supportait ses fers.
Il voyait chaque jour augmenter sa pitance.
La dame du château, par mille soins divers,
Ainsi que ses enfants, prouvait sa bienveillance.
Mon lièvre avait donc l’assurance
Qu’on n’en voulait point à ses jours :
Il aperçut, à travers le treillage,
Un chien dont autrefois les ruses et les tours
Avaient fatigué son jeune âge.
« Approche, lui dit-il, doyen des scélérats;
« Allons, attaque-moi; mais tu n’oserais pas:
« De ma juste fureur tu crains les représailles. »
— « Brave à l’abri de tes murailles !
« Je te reconnais bien , » répondit aussitôt,
Sans s’émouvoir, maître Brifaut;
« Si tu vivais encore au milieu des broussailles,
« Tu ne parlerais pas si haut. »
Ici que d’orgueilleux esclaves,
Grâce à leurs puissants protecteurs,
Prennent de petits airs railleurs
Et même font parfois les braves!
“Le Lièvre et le Chien de Chasse”