Nicolas Grozelier
Littérateur et fabuliste du XVIIº – Le Limaçon et les Abeilles
Limaçon dégoûté de son mince ordinaire,
Voulut dans une ruche aller faire grand’chère.
Il s’y glisse et transporte avec lui sa maison,
Comptant être à couvert, et des traits de l’abeille
Et de toute insulte pareille.
Le reptile en cela croyait avoir raison;
Mais il connaissait peu de cette volatile
L’adresse et la subtilité
A défendre son domicile,
Et le mettre à l’abri de toute hostilité.
Dès qu’on voit le larron enfermé dans la place,
De s’en défaire on cherche le moyen.
Pour le percer l’aiguillon ne fait rien :
De tirer cette lourde masse
Est encor plus grand embarras;
On n’est pas assez fort de bras.
A quoi se décider? faut-il lui faire grâce?
Non, mais voici ce que conclut
Le suprême conseil; il frappa juste au but.
De tous côtés il entoure le sire,
Et vous l’enduit d’une couche de cire,
Tant et si fort le collant au plancher,
Qu’onc il ne put se détacher.
Par cet expédient la ruche s’en délivre.
Ainsi mourut de faim celui qui voulait vivre
Grassement aux dépens d’autrui.
Que de voleurs trompés ont péri comme lui!
Nicolas Grozelier