Un Lingot d’or, mais lingot d’importance,
Près d’un morceau de fer par hazard se trouvoit ;
Et son compagnon qu’il bravoit,
Gardoit un modeste silence.
Quel caprice, dit le premier ;
Avec un ton plein d’insolence,
A donc pu nous associer,
Ton vil métal, & moi que partout on encense ?
Quand je parois, tu devrois te cacher ;
J’anime & gouverne le monde :
Dans les obscurs sillons de la mine profonde
Le soleil me mûrit ; l’homme vient m’y chercher,
Au fond d’un noir réduit Danaé se lamente ;
Acrise à tous les yeux dérobe ce trésor ;
Jupiter tombe, en gouttes d’or,
Et, sous cet or fluide, il obtient son amante.
Les mystères sacrés par moi n’étoient qu’un jeu ;
Les Druides souvent m’ont reconnu pour maître :
En fascinant les yeux du Prêtre,
Je dictois l’Oracle du Dieu.
Que peux-tu m’opposer ? le meurtre, le ravage,
La guerre aux bras sanglans, & dont tu sers la rage…
Je ne me vante point, répond l’humble métal :
Demande aux Laboureurs le bien que je puis faire.
De l’homme, il est trop vrai, l’égarement fatal
Me transforme en poignard, me forge en cimeterre :
Mais, malgré cet abus, ta morgue & mes affronts,
Aux Mortels, plus que moi, tu fus toujours contraire,
Je les détruis… tu les corromps.
“Le Lingot d’Or et le morceau de Fer”