Venez maître baudet ; nous attendons de tous
De grands et bien rares services ;
Vous en serez bientôt récompensé par nous ;
L’ami qui fait pareils offices
Doit seul porter le nom de scrutateur des vices.
Nous connaissons votre œil vif et perçant,
Et combien il est clairvoyant.
Sur tous les animaux fixez votre prunelle ;
Secrètement faites-nous vos rapports ;
Consultez bien votre docte cervelle ;
Sans qu’ils en soient instruits, nous connaîtrons leurs tort,
Tel est l’emploi dont sa hautesse ,
Le plus orgueilleux des lions,
Décorait la fière noblesse
Du plus sot des aliborons.
Notre grand monarque de rire,
En voyant le pacha baudet
Qui frétillait, se panadait,
Et qui modestement en lui-même disait :
Il faut que je sois un grand sire.
Les animaux de la forêt,
Le regardant comme un sot débonnaire,
Inventaient chacun une affaire.
Tout de travers l’âne la concevait,
Ab hoc, ab hac la dénonçait;
Et par ses sots rapports, cette bête en délire ,
Cahin caba faisait aller l’empire ;
Il fut attrapé pour le coup.
Il fut reconnu pour un traître,
Par un compère appelé loup,
Qui le vit dans un bois occupé seul à paître.
Illustre sujet du lion,
Dit-il en l’abordant, vous faites des merveilles;
Vous jouez à ravir le rôle d’espion;
Pour vous récompenser, voilà vos deux oreilles.
“Le Lion et l’Ane espion”