Jean de La Fontaine
Poète, moraliste, romancier et fabuliste XVIIº – Le Lion et le Chasseur
Le Lion et le Chasseur Un Fanfaron amateur de la chasse,
Venant de perdre un Chien de bonne race,
Qu’il soupçonnait dans le corps d’un Lion,
Vit un berger. Enseigne-moi, de grâce,
De mon voleur, lui dit-il, la maison,
Que de ce pas je me fasse raison.
Le Berger dit : C’est vers cette montagne.
En lui payant de tribut un Mouton
Par chaque mois, j’erre dans la campagne
Comme il me plaît, et je suis en repos.
Dans le moment qu’ils tenaient ces propos,
Le Lion sort, et vient d’un pas agile.
Le Fanfaron aussitôt d’esquiver.
O Jupiter, montre-moi quelque asile,
S’écria-t-il, qui me puisse sauver.
La vraie épreuve de courage
N’est que dans le danger que l’on touche du doigt.
Tel le cherchait, dit-il, qui changeant de langage
S’enfuit aussitôt qu’il le voit.
Commentaires de MNS Guillon – 1803
(1) En lui payant de tribut. II serait mieux de dire, en tribut. Il y a dans Phèdre une fable très-jolie dont la morale ne s’éloigna point de celle des deux apologues qu’on vient de lire, « Deux voyageurs rencontrent un voleur qui leur demande la bourse ou la vie. L’un des deux ayant mis l’épée à la main, se fait aussitôt justice de l’assassin, tandis que son timide compagnon avait gagné au large ; mais délivré de la peur par la mort du brigand, il accourt ; et d’un air menaçant : qu’il vienne maintenant, dit-il, nous attaquer encore, il verra à qui il a affaire « . La réponse du brave est la morale de la fable française.
Analyse et analyses des fables de La Fontaine par Louis Moland, 1872
Fable II. Le Lion et le Chasseur. Gabrias, 36.
Il y a, suivant la remarque de Champfort. entre les moralités des deux premières fables de ce livre une différence qui n’est pas suffisamment indiquée. La première signifie : » Connaissez bien la nature du péril dans lequel vous allez vous engager ; » la seconde : « Connaissez-vous vous-même, et ne soyez pas dupe d’un faux instinct de courage, qui n’est qu’un premier mouvement. » (Le Lion et le Chasseur)