Un lion ayant pris quelques bêtes sauvages.
Aidé de l’âne et du renard,
Dit au premier d’en faire les partages.
Cet animal simple et sans art
En fit trois parts avec tant de justesse
Qu’on n’eût su laquelle choisir :
Scrupuleuse délicatesse,
Qui ne fit nullement plaisir
Au superbe lion, prince fort colérique.
n étrangla l’équitable baudet,
Sans forme de procès. Malheur à tout sujet
Qui lui ressemble et n’est pas politique !
Sire Lion, après ce châtiment,
Fit au renard pareil commandement.
Il obéit ; mais le compère,
Courtisan plus adroit, sut se tirer d’affaire,
Se réservant très mince portion.
Qui t’a donné tant de prudence,
Demanda messire Lion ?
Je sais depuis longtemps de certaine science
Que tout vous appartient, dit l’hôte des terriers,
Et j’ai frémi de l’ignorance
Du baudet, justement par vous mis en quartiers.
Prétendez-vous des rois gagner la bienveillance ?
Flattez-les, accordez-leur tout :
C’est le moyen d’être à leur goût.
“Le lion, l’âne et le renard”