Louis Moland (analyses)
Le Lion, le Loup, et le Renard, analysée par Louis Moland, 1872.
Fable III. Le Lion, le Loup et le Renard. .Esop., 72, 233.
Le récit du Romulus mérite d’être mis en regard de la fable de La Fontaine ; voici comment il est traduit par M. Saint-Marc Girardin :
« Le lion étant malade, tous les animaux venaient le voir et lui disaient qu’il avait besoin d’un savant médecin. Mais où trouver ce médecin? demandait le lion. « Personne, sire, n’est plus savant que le renard, qui sait parler aux bêtes comme aux oiseaux, et qui traite souvent des affaires avec les unes et les « autres. » Le renard fut donc mandé près du roi ; mais il resta caché plusieurs jours. Une nuit cependant, sortant secrètement de sa demeure, il vint se poster dans un trou près de la chambre royale, et là, prêtant l’oreille, il écoutait le prince qui entretenait les assistants de sa maladie. Il recueillait avec soin les réponses, et déjà il avait entendu beaucoup d’opinions diverses, lorsqu’arriva Ysengrin qui dit : « Rien n’empêche le renard de venir donner des soins à notre souverain, si ce n’est son naturel pervers, et, pour cela, je le dénonce comme traître à la santé du roi et le juge digne de mort. » Le renard alors, entrant dans la salle à pas comptés, l’air grave, salua le roi de la part des docteurs de la ville de Salerne. Mais le roi le menaçant du dernier supplice pour avoir tardé tant à venir : « Qu’aurais-je fait, sire, dit le renard, si je ne vous avais apporté une guérison assurée? Aussitôt que j’eus reçu votre ordre, je me mis à par-courir divers pays, et je suis allé consulter les médecins de Salerne. Je leur ai expliqué la maladie de Votre Majesté, et je vous annonce de leur part qu’il n’y a pour vous qu’un moyen de recouvrer la santé, c’est de vous envelopper la poitrine avec la peau fraîchement enlevée du corps d’un loup, encore chaude et encore fumante de sang. En trois jours, au plus, ce remède, sire, vous rendra la santé. » Aussitôt, par Tordre du roi, le loup est saisi, écorché vivant, et sa peau imbibée de sang est appliquée sur la poitrine du lion. Ysengrin, délivré enfin des gardes du roi, s’enfuit sans peau dans la forêt, suivi du renard, qui lui criait de loin : « Combien sont heureux les conseillers du roi vêtus ainsi de pourpre et d’écarlate ! Quant a toi, cependant, comme tu as percé ton prochain absent des traits de ta langue, souffre maintenant les piqûres des mouches et des guêpes. » Voilà ce qui arrive aux envieux qui, cherchant à faire du mal au prochain, sont pris dans leurs propres filets. ‘ »
On remarquera l’entrée cérémonieuse du renard et le récit de son voyage à Salerne pour y consulter les médecins, consultation qui est plus à propos, dit M. Saint-Marc Girardin, que le pèlerinage du renard de La Fontaine.
Marie de France, dans son Ysopet (fable 59), reproduit exactement toutes les circonstances de la fable de ce Romulus.