Denis Benjamin Viger
Homme politique, poète et fabuliste XIX – Le lion, l’ours et le renard
Certain Renard, un jour qu’il était en voyage.
De soins rongé, tourmenté de la faim.
Vit l’Ours et le Lion disputant pour un daim,
Que chacun voulait sans partage.
« Parbleu! se dit aussitôt le matois,
« De la forêt laissons faire les rois;
« En évitant leur mâchoire cruelle,
« Tirons parti de la querelle. »
Il n’était pas un franc Algérien,
Mais, comme on voit, bon Calédonien.
Pendant que sur le cas en lui-même il raisonne.
De ci, de là, chaque lutteur.
De dent, de griffe avec fureur,
À l’autre de bons coups il donne.
Tant, qu’à la fin tous deux tombant de lassitude.
Maître Renard, sans plus d’inquiétude.
Peut sous leurs yeux, cette aubaine enlever.
Aux dépens des héros, s’égayer et dîner.
J’ai vu souvent dans ma patrie
Mes trop légers concitoyens.
Canadiens contre Canadiens,
Lutter avec même furie:
Nouveaux venus, nos pertes calculer.
S’en enrichir et de nous se moquer.
Le lion, l’ours et le renard – 1823
Denis Benjamin Viger – 1774-1861