De par le Roi des Animaux,
Qui dans son antre était malade,
Fut fait savoir à ses vassaux
Que chaque espèce en ambassade
Envoyât gens le visiter,
Sous promesse de bien traiter
Les Députés, eux et leur suite,
Foi de Lion très bien écrite.
Bon passe-port contre la dent ;
Contre la griffe tout autant.
L’Edit du Prince s’exécute.
De chaque espèce on lui députe.
Les Renards gardant la maison,
Un d’eux en dit cette raison :
Les pas empreints sur la poussière
Par ceux qui s’en vont faire au malade leur cour,
Tous, sans exception, regardent sa tanière ;
Pas un ne marque de retour.
Cela nous met en méfiance.
Que Sa Majesté nous dispense.
Grand merci de son passe-port.
Je le crois bon ; mais dans cet antre
Je vois fort bien comme l’on entre,
Et ne vois pas comme on en sort.
Autre analyse:
Analyses de Chamfort – 1796.
V. 1. De par le roi des animaux,
Fut fait savoir , etc.
J’ai déjà observé que ces formules , prises dans la société des hommes et transportées dans celle des bêtes, ont le double mérite d’être plaisantes et de nous rappeler sans cesse que c’est de nous qu’il s’agit dans les fables.
V. 18. Pas un ne marque de retour.
Peut-être était-il d’un goût plus sévère de s’arrêter là et de ne pas ajouter les vers suivans , qui n’enchérissent en rien sur la pensée. Cependant on a retenu les trois derniers vers de cet Apologue , et c’est ce qui justifie La Fontaine.
. . . . . Mais dans cet antre,
Je vois fort bien comme l’on entre ,
Et ne vois pas comme on en sort.
Commentaires de MNS Guillon – 1803.
(1) De par le Roi, etc. On se souvient que c’étoit là le pro tocole des lettres-patentes, ordonnances et autres rescrits de nos Rois.
(2) Les pas empreints ….
Tous, sans exception, regardent sa tanière. Ces vers sont d’une construction embarrassée: défaut qui provient I°. de l’éloi gnement ou tous sans exception se trouvent du nominatif; 2°.de l’expression regardent sa tanière, que La Fontaine a voulut con server du latin :
…… Me vestigia terrent
Omnià te adversùm spectautia, nulla retrorsùm.
On ne peut pas dire en français que des pas regardent. Il s’en faut beaucoup que l’imitation française rende la précision de l’original.
(3) Cela nous met en méfiance, etc. La fable étoit finie: tout le reste paroît être de trop ; mais cette surabondance nous a valu deux vers aussi précis que lumineux:
Je vois fort bien comme l’on entre , Et ne vois pas comme on en sort.
J. B. Rousseau :
Quand une fois on est dans cette case, On n’en sort plus : c’est l’antre du Lion.
(L.I. Allégor. 4.)